Ennya-Lÿr
[Et encore une autre nouvelle, encore plus poussiéreuse (moisie en plus), mais à laquelle je tiens beaucoup, car je peux la considérer comme ma toute première (en dehors des productions écrites scolaires). Bien sûr le scénario me semble plutôt futile aujourd'hui, mais c'est toujours ça. ]
Aussi loin que
remonte mes souvenirs, j’ai toujours vécu sur ce pont, à bord de se navire. Je
connais le moindre nœud du bois, sa moindre fibre…Je sais deviner les vents qui
se glissent dans les voiles et comment les ajuster…Depuis mon plus jeune âge,
j’ai toujours vécu à bord du navire pirate Le Vengeur. Avec lui, j’ai écumé les
mers de l’archipel aux contrées orientales de la lointaine citadelle.
Debout à la
proue, je contemplai la douce lumière lunaire perçant la voile immaculé et
s’épandant longuement sur le pont rougeâtre.
Fait dans un
bois mystérieux, Le Vengeur buvait le sang des nombreux combats déroulés sur
son pont, s’imprégnant de sa couleur écarlate. Malgré les fréquents nettoyages,
il garde toujours cette teinte sinistre, contrastant avec sa propreté.
Le navire
maudit. C’est ainsi qu’il est connu par
les riches marchands de l’archipel et des villages côtiers. Quel enfant n’a
jamais entendu au moins une légende où il est question de se navire revenant
sanglant qui écume les mers, ses voiles grises en loques calquant dans le vent
et de son implacable capitaine? Le cœur de chacun se serre en voyant au somment
du grand mat le pavillon des sabres représentant deux lames croisées où perle
une unique goutte de sang sur fond noir.
Sur le pont, il
n’y a pas âme qui vive excepté le second à la barre et l’homme de quart.
Tournant la
tête, j’aperçue les dernières lueurs du soleil plongeant dans l’océan, auréolé
de couleurs éclatantes resplendissant dans la nuit tombante.
Je ne fus qu’a peine
surprise en sentant le contact froide d’une pierre contre mon cou. Portant
machinalement ma main à ma gorge, je senti sous mes doigts le cercle d’argent
serti d’un saphir brumeux, rare pierre aux étranges pouvoirs. Plus pâle qu’un
saphir normal, la pierre luisît doucement sous le contact de ma paume, ses
nuages se déplaçant selon le caprice d’un vent inconnu. Lui aussi remontait
au-delà de mes souvenirs.
« Enny… murmura
une voix. »
Perdue dans mes
pensées, je n’avais pas vue Amy approchée. Silencieuse et gracieuse comme un
chat, on entendait d’elle que le faible bruissement de ses pieds nus sur le
pont. Vêtue d’une simple mais élégante robe de nuit, sa peau était d’une
blancheur irréelle, contrastant avec ses cheveux noir de geai. Dans ses yeux
d’émeraude pur en forme d’amande se reflétait la lune, allumant dans son regard
une lueur pensive.
Je baissai les
yeux vers mon propre habillement. De vieux pantalons de marins usés jusqu’à la
corde et tachés, raccommodés grossièrement, juraient avec l’aura de beauté et
de délicatesse qui émanait de la nouvelle venue. Mon chandail déchiré faisait
piètre allure en comparé au soin avec lequel elle entretenait ses propres
vêtements.
« Aurais-tu
vu Eldride? me demanda-t-elle, me tirant de mes pensées. »
Je secouai la
tête en signe de négation, trouvant étrange qu’Amy trouve une quelconque
importance sur ce que pouvait faire la jeune mousse.
« Elle doit
dormir à cette heure, comme nous devrions nous aussi faire… »
Déjà elle ne
m’écoutait plus et son regard se perdit dans la contemplation de l’horizon. Ne
voulant briser se moment de paix tranquille, je me tu et essayai de découvrir
ce que la mince ligne lumineuse créée par le soleil couchant pouvait avoir de
si captivant.
Je compris bien
assez vite la raison de sa soudaine contemplation.
Au loin, à la
frontière entre le ciel et la terre, on arrivait tous juste à distinguer une
minuscule tache brune surmontée d’une volute grisâtre.
À cette vision,
mon cœur se mi à battre la chamade. Il n’y avait aucun doute. Enfin presque.
Une galère de guerre. Ses redoutables navires envoyés par les marchants
mécontents ne cessaient de nous harcelés. Depuis quelques semaines, nous en
avions semés déjà près de 5, et le navire n’était pas encore tout à fait remis
de son dernier affrontement au court duquel un projectile avait enflammé près
de la moitié du pont. À la voire approcher, elle nous avait visiblement repérée
depuis un bon moment et fonçait vers nous toutes voiles dehors, laissant sur
son passage une trainée de fumée, restes des immenses feux qui brûlait à bord,
qui, et mon cœur se serra à cette pensée, enflammeraient bientôt le navire si
nous ne réagirions pas.
Amy sur les
talons, je filai à la poupe prévenir le second de l’approche de la galère.
La nouvelle se
rependit comme une trainé de poudre et apparu sur le pont une foule dépareillé
de matelots encore endormis et de mousses surexcité à la perspective d’une
bataille prochaine. Tout ce beau monde dépenaillé s’affairaient fébrilement
pour tout mettre en ordre, vérifier les voiles et nœuds des cordages, pendant
que d’autres hissaient des seaux entiers d’eau de mer afin d’éteindre les
brasiers causé par les projectiles à venir.
Le silence
accueilli l’arrivé de Kûr, le capitaine. D’une démarche solennelle, il fendit à
foule, inspectant et vérifiant que chacun accompli sa tâche. Entièrement vêtu
de noir, il s’avança, digne dans cet attroupement de racaille et voleurs en
tout genre.
« Comme
vous avez sans doute entendu, commença t’il, une galère envoyée par ses sales
marchands arrivera dans peu de temps. Je vous demande de vous tenir près.
Chacun connaît la tâche qu’il lui est assigné et je ne tolèrerai pas le moindre
écart de conduite. Est-ce clair? »
La foule
répondit par une affirmation bruyante de cris et paroles discordantes, approuvant
le discours de leur capitaine.
Je me senti
soudainement si fière de mon père, un capitaine si noble à l’âme rebelle,
hors-la-loi des mers et des rivages à bord de son splendide vaisseau. N’importe
quel fils pourrait rêver d’une telle réputation. Seule ombre au tableau :
je suis une fille. Et c’est cette seule faute qui ne me fut jamais pardonnée.
Mon père
désirait de tout cœur un garçon auquel
il aurait pu apprendre l’art de la navigation ainsi que le code très stricte de
la piraterie mais au lieu de cela…il n’a que moi.
Non contente de faire la honte de mon père,
j’ai plongé ma mère dans le désespoir en refusant tous les travaux d’aiguilles
et règles de bienséance liées à ma condition. Si elle se trouvait à bord à cet
instant, je ne manquerais pas d’un sermon sur mon apparence négligée et mes
vêtements mal ravaudés. Malgré tous les préjugés des gens sur mon allure, je me
suis juré de leurs prouver que j’ai beau ne pas être un garçon, je suis une
pirate à part entière.
Me ramenant
brusquement sur terre, un grand pirate barbu me bouscula au passage sans
ménagement.
« Fait
attention où tu vas!, lui crie-ai-je, choquée. »
Puis, dégainant
mon sabre, je me rendis à la prou avec les autres combattants.
En se moment
d’attente, la tension qui régnait à bord devenait presque palpable. Chacun
vérifiait que tout était près, les combattants testaient leurs lames et
encochaient les flèches, ceux qui ne pouvaient combattre prenaient les seaux et
les dispersaient sur le pont, mais tout le monde fixait le sombre point qui
grandissait de minute en minute.
Ceux qui n’ont
jamais combattu ne peuvent pas comprendre la soif qui précède les combats. Une
soif de sang, soif de vengeance. Toutes ses brutes excitées par l’idée de
violence et d’un combat acharné.
Ne pensant plus
à la galère, je chancelai lors de l’impact du premier projectile embrasé. Ça y
est, la lutte pour la survie venait de commencer. Plus question de savoir si
notre cause est la meilleur, c’est la loi de la jungle et que le plus fort
gagne. Dans quelques temps, les mercenaires engagés débarqueraient à bord,
mettant le navire à feu et à sang. Mais nous n’allions pas nous laisser faire,
pas aussi facilement du moins.
Une deuxième
boule de feu traversa le ciel dans un sifflement sinistre. De loin on aurait pu
croire à une étoile filante, une étoile de la mort. L’incendie causé par le
deuxième dépassa toutes les attentes. Les seaux n’étaient pas encore rempli
qu’il perça la grande voile et atterri avec fracas sur le pont, enflammant
voiles et cordages sur son passage.
Le feu se
propagea rapidement malgré l’eau et le sable si bien qu’il devint vite presque
impossible de traverser de la poupe à la prou.
« Amy!
criai-je, inquiété par le sort de mon amie qui avec le restant de son équipe
était chargée de contrôler le brasier. Où es-tu? »
Comme une brève
vision, je l’aperçue au milieu des flammes, les étouffant sous dans les volutes
de fumé. Ses cheveux craquait sous l’effet de la chaleur ambiante et provenait
de ses vêtements une inquiétante odeur de roussi.
« Tien bon!
J’arrive! »
Me rappelant des
conseils du second en cas d’incendie majeur, m’enveloppai de ma cape je fonçai
à travers le mur brûlant, à sa recherche. Au fur et à mesure que je
progressais, la température devenait de plus en plus insupportable. Le bois
commençait à craquer sous la chaleur et les cris de membres de l’équipage amplifiaient. Sous une puissante
traction, je fus soudain tirer vers l’extérieur du feu.
Je me retournai
pour apercevoir mon sauveur et tombai nez à nez avec la brute rousse de tout à
l’heur.
« Ce n’est
pas une bonne idée de s’aventurer dans les flammes, fillette… »
Je me crispai
sous l’insulte. Fillette. Je n’avais tout de même pas dix ans. Je faisais
amplement mes quinze ans. Seul Kûr utilisait cette expression moqueuse pour me
désigner.
Je le foudroyai
du regard, me voulant menaçant mais sachant que je ne l’impressionnais
nullement, et passai mon chemin, cherchant toujours Amy au milieu des marins
s’affairant frénétiquement. Je la vi un peu plus loin, avec les autres. Ils
parvenaient presque maintenant à maitriser le feu mais les dégâts subits
dépassais déjà la limite du réparable. Je réalisai soudain que la chute des
projectiles avait cessée. Soulagée, je retournai à la prou avec les guerriers.
Mon soulagement
fut malheureusement de courte durée. La galère avait arrêté les tirs, oui, mais
parce qu’elle était trop proche pour tirer et s’apprêtait à nous aborder d’un
instant à l’autre. Déjà volait tout autour des grappins et les mercenaires
s’amassaient en attendant de pouvoir traverser.
C’est à notre
tour…